Pendant longtemps absentes ou mises de côté de la pratique sportive, les émotions sont désormais
reconnues comme un paramètre non négligeable de la performance. De l’état de « flow » à l’anxiété,
il existe une véritable palette émotionnelle propre à chacun, et à chaque course !
Les émotions sont ainsi définies comme « une sensation ou un état affectif, agréable ou désagréable,
qui est retenu par le sujet, comme étant le marqueur de son état émotionnel, mais aussi
somatique. » 1
En course d’orientation, elles sont continuellement sollicitées de façon combinée à l’activité de
course et d’orientation. Cela en fait ainsi une pratique intéressante pour apprendre à les reconnaître,
les gérer et les utiliser positivement.
Le fait de pratiquer sans être toujours « à vue » et dans un environnement inhabituel peut
également être propice à de nouvelles expériences émotionnelles.
Souvent évoquée et ressentie par les débutants ou les néophytes, la peur « de se perdre » ou d’aller
dans un milieu inhabituel -la forêt, qui génère parfois un imaginaire fourni, surtout chez les plus
jeunes ! – peut véritablement impacter la pratique. Cela peut conduire à des refus de pratiquer seul
ou favoriser les regroupements « hasardeux », où le débutant sera rassuré par le fait de suivre
quelqu’un et de retrouver un poste ou l’arrivée.
Chez le pratiquant plus expérimenté, ces émotions peuvent aussi ressurgir dans un milieu plus
difficile techniquement, après une grosse erreur due à un rythme de course trop élevé, ou encore
lors des courses de nuit.
L’intervenant pourra alors guider les pratiquants à l’aide d’une progression adaptée, limitant le
risque « objectif » de se perdre. Il pourra aussi organiser la pratique de façon à la rendre
progressivement individuelle, sans être isolée 2 , à l’aide d’un réseau de balises importants et de
parcours avec des itinéraires se croisant régulièrement par exemple.
Emotion positive et agréable, la joie de trouver (enfin !) une balise peut donner lieu à des situations
très variées : pour certains, elle va devenir le moteur positif nécessaire à l’itinéraire suivant, mais
parfois elle peut aussi générer un excès de confiance, entrainant ensuite une rebascule vers des
émotions bien moins positives.
L’orienteur apprendra donc progressivement à se reconcentrer rapidement sur le prochain poste, à
différer sa joie ou sa satisfaction en cas de course réussie. Pour cela, certains « routines » mentales
ou la mise en place de dialogues internes peuvent également venir aider.
A contrario de l’émotion précédente, celle-ci sera souvent néfaste à la performance. Les recherches
en neurosciences 3 ont démontré que l’activité neuronale – et par conséquent d’apprentissage-
augmente en présence d’émotions positives. Elle est à l’inverse ralentie en présence d’émotions
négatives ou de stress élevé. Ces émotions « négatives », de peur, de stress, d’énervement, sont
donc plutôt à courant contraire de l’activité d’orientation.
Il sera alors nécessaire pour l’orienteur de les évacuer et dépasser au plus vite, afin de ne pas se
laisser envahir et aspirer par une spirale négative.
Cette capacité à « refaire le vide » et se recentrer sur un focus attentionnel sera d’autant plus
importante, qu’elle peut impacter la confiance en soi de l’orienteur, et ainsi influer sur ses prochains
choix d’itinéraires et prises de risques.
Leitmotiv de l’orienteur, la concentration et le focus attentionnel sont primordiaux pour être le plus
efficace possible dans la conception et réalisation de son itinéraire.
Les sources de « déconcentration » sont pourtant nombreuses : l’environnement, la météo, les
autres coureurs, le public ou le couloir « spectacle », la fatigue…. Pour faire face à cela au mieux,
plusieurs aspects de la préparation mentale vont pouvoir aider l’orienteur à rester concentré.
Certains moments, tels que le départ, l’approche ou la sortie de poste seront à planifier (mise en
place de routine technico-tactiques par exemple) pour essayer de rester le plus possible concentré 4 .
Le dialogue interne (par exemple, se répéter des consignes individualisées lors de moments de
course à améliorer), l’imagerie mentale (par exemple, imaginer son départ en masse ou sa sortie de
poste) et certaines techniques de relaxation (faire le « vide » avant le départ par exemple) peuvent
aussi être utilisées à bon escient.
Quel que soit le niveau de pratique ou notre âge, nous restons des individus à part entière, les
émotions sont donc une partie de nous que nous emmenons dans la forêt, pour le meilleur et pour
les autres moments…
La course d’orientation de par ses différentes formes de pratiques, ses environnements variés à
découvrir, nous offrira ainsi de belles expériences émotionnelles en perspective !
1 Philippe Claudon et Margot Weber, 2009, Contribution à l'étude psychodynamique du développement de la pensée de l'enfant sans langage en interaction in Devenir
2 M.Mottet, janvier-février 2013 ,« Seul mais jamais isolé » Revue EPS n°355
3 C,Gueguen , 2018,Heureux d’apprendre à l’école
4 A.Hermet, 2005, La prise en considération des aspects psychologiques en CO
Par Oriane Marcon, enseignante agrégée d’EPS, UFR STAPS Poitiers, auteure de « Pouvoirs et préjugés » 2023. Editions le Lys Bleu.
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